Les Créateurs 2/2

Autre détail de la couverture signée Laurent Guillet.

J’en reviens donc à la suite de la présentation des nouvelles composant Les Créateurs

Bris, publiée dans Arcanes, Voy[el], 2010.
J’ai mis plusieurs années à écrire ce texte. Il ne fait pourtant guère plus de 40000 signes, mais je l’écrivais de temps en temps, quand je sentais vraiment l’envie d’y revenir. Je voulais écrire une vraie histoire d’amour, dans un univers un peu particulier, sur fond de voyage temporel (un peu mon Une porte sur l’été en plus… bizarre et noir^^). Je l’ai adaptée en cours de route, pour qu’elle colle à  l’anthologie Arcanes, ayant trouvé que la thématique du tarot rajoutait une note de mystère bienvenue à l’histoire. Bris est, malgré la méticulosité avec laquelle j’avais écrit le texte, une des nouvelles qui a subi le plus de changements de forme et de fond. Je n’étais pas entièrement satisfait de la première version, je trouvais que je l’avais achevée un peu vite pour respecter la deadline de l’anthologiste d’Arcanes. Je crois que c’est réparé et que le récit est désormais mieux équilibré et plus abouti.

Incipit :

Le Lion sort de la cage et s’avance vers la grande fontaine où une eau pure s’écoule de la bouche d’un bœuf aux yeux émeraude. Un temps, il s’assied pour admirer les étoiles. Je n’existe pas encore pour lui.
Seul son souffle le distingue d’une statue. D’un mouvement d’arrière-train, il se remet soudain en marche. Son pas est noble et serein, sa crinière d’une beauté étincelante. Il se rassoit près du rebord de la fontaine et me jette enfin un regard.
Je suis allongé depuis des lustres sur l’herbe froide et humide. C’est ce que j’ai fini par comprendre. En vérité, je ne suis pas certain d’être réellement là, je ne suis pas certain que ce lieu existe. Peut-être ne suis-je qu’un fantôme, entre deux mondes. C’est sans doute cela. Je crois que je me suis glissé dans un passage, de quel genre je ne sais pas, et je ne sais pas non plus pourquoi. L’image d’un ver, gris et long, en mouvement, m’assaillit, sans aucune raison particulière. Mais je crois que c’est important.

Copeaux, inédit papier, bientôt au sommaire de Destination Noël (et à lire gratuitement en ligne).

Copeaux a une histoire récente.  Elle m’a été commandée par Jacques Baudou pour Destination Noël. Il s’agissait d’écrire un conte de Noël qui serait mis en ligne sur le site Internet de cette ville chargée d’Histoire qu’est Reims, pour leur calendrier de l’Avent. J’adore lire des contes, pas spécialement en écrire. Copeaux aura donc été une sorte de défi, mais aussi un joli prétexte pour retrouver l’ambiance de mon enfance, celle de la ferme de mes grands-parents. Je ne saurais dire si j’y suis arrivé, mais j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce conte noir.

Incipit :

Il était une fois rien du tout.
Du moins, j’ai toujours cru que ma présence sur cette terre n’avait aucune importance, que j’allais passer puis repartir, sans laisser de traces, sans avoir envie d’en laisser, quoi qu’il advienne. J’ai toujours su que je n’étais rien, et que rien je resterais parce que ma vie avait toujours été ainsi faite ; désillusions, tristesse, oubli de soi, indifférence. Alors oui, il était une fois rien du tout ; je n’ai jamais considéré que mon existence méritait d’être racontée. Ma vie, comme je la perçois, est un long et pénible silence à l’intérieur d’une parenthèse dans un monde qui retient son souffle, gêné, en attendant que je disparaisse.
À mes vingt-cinq ans, Mamé répétait encore : « Klervi, regarde comme tu es belle ; les hommes qui passent n’ont d’yeux que pour toi. Trouve-toi un mari, fais ta vie. »
Quelle drôle d’idée.

Dans les jardins, inédit.

Dans les jardins est un récit fantastique qui est un peu le pendant de Copeaux. Quelque part, ils se répondent, se complètent et s’imbriquent. Là où Copeaux évoque le destin brisé d’une jeune femme, Dans les jardins explore celui d’un homme meurtri par la vie. Les deux récits se déroulent en Bretagne, une Bretagne indéterminée mais qui ressemble à celle des Côtes-d’Armor de mon enfance. J’adore de plus en plus écrire ce genre de récits suintant d’un certain réalisme social, en l’occurrence celui des campagnes bretonnes, tout en restant très intimistes.

Incipit :

Derrière les rideaux lilas de la cuisine, Marguerite observait la grande carcasse du jeune notaire gravir les marches. Le soleil de plomb rendait sa progression malhabile. Coincé dans son costume sur mesures, il triturait son nœud de cravate, comme s’il allait étouffer. Néanmoins, il parvint jusqu’au porche de la maison et sonna à la porte. Marguerite patientait déjà derrière.
– Oui ? demanda-t-elle d’une voix que la vieillesse avait enrouée.
– Monsieur Duval, le notaire.
Marguerite trouvait que son timbre trop aigu ne cadrait pas avec sa morphologie. Elle passa la clef dans la serrure et ouvrit. Le visage de l’officier public dégoulinait de sueur. Il s’épongeait tant bien que mal à l’aide d’un mouchoir en papier.

Voilà, rendez-vous en février pour tous ceux qui voudront bien faire le voyage ! Et si vous avez des questions, n’hésitez pas à m’en faire part dans les commentaires 😀

Merci pour votre fidélité !

À propos de Thomas Geha

Ecrivain / Littératures de l'imaginaire. Voir tous les articles par Thomas Geha

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